bulletin de la Société Jules Verne


194 Mai 2017

[ TABLE DES MATIÈRES

Page 2 LA RÉDACTION :
À nos lecteurs
Page 3 J.-P. albessard, l. sudret, J. Pezeu-Massabuau :
Adieu à Robert Taussat
Page 6 LA RÉDACTION :
Actualités
dossier Amiénois
Page 8 b. sinoquet :
« ... Les travaux de notre nouvelle maison... »
Page 15 b. sinoquet :
À propos d’une lettre de Jules Verne
Page 17 et 35 Divers auteurs :
Quelques apparitions inattendues de Jules Verne dans les journaux amiénois (1880 à 1889 ; 1891 à 1905)
Page 27 J. Verne :
Le testament du 15 février 1890
Page 30 J. Verne :
Un fragment du discours de 1893
Page 32 H. Verne et J. Verne :
Deux lettres de et à Honorine Verne (1893)
Page 34 J. Verne :
Deux lettres (1902 et 1904)
Page 40 M. Guillon :
Une lettre à sa famille (1905)
Page 45 S.lefebVre :
Trois lettres à Cornelis Helling (1931)
Page 49 A. Tarrieu
Mais qui est donc Charles Lemire ?
Page 52 Ch. Lemire :
Discours aux obsèques de Jules Verne
articles diVers
Page 55 M. P. tresaco :
Une publication en hommage à Jean-Michel Margot
Page 64 J.-L. Mongin :
Voyage en eaux troubles de l’Orénoque au Danube
Page 78 P. brunet-Moret :
Lelarge, de Berny, Bourdon. À la découverte de cousins peu connus de Jules Verne
Page 81 P. bouyer :
Incipit des œuvres de Jules Verne (II)
Page 83 V. dehs :
Ce qui restait des « Jules Verne » en 1914. À propos de la cession de la maison Hetzel à la Librairie Hachette
Page 104
Repères bibliographiques 2016 - 2017
Page 114
Table des illustrations

[ Éditorial

Trimestriel de 1967 à 2005, quadrimestriel de 2006 à 2016, notre Bulletin deviendra semestriel à partir de cette année 2017 et paraîtra désormais en mai et novembre. L’augmentation régulière des frais postaux et – malheureusement – la négligence de certains de nos adhérents à ne pas s’acquitter de leur cotisation, nous obligent à prendre cette mesure pour assurer la parution de notre revue. Même si cette négligence n’est pas volontaire, elle risque néanmoins de mettre en danger une publication qui entre dans sa 51e année d’existence.

L’ampleur du BSJV – environ 240 pages par année – ne diminuera d’ailleurs pas, et la qualité des textes, nous l’espérons, non plus. Bien au contraire : la nouvelle formule nous permettra de combiner des dossiers thématiques avec des textes variés et d’y introduire de nouvelles rubriques, selon les contributions que nous recevrons de votre part. Une surprise est d’ailleurs préparée pour fêter, en 2018, le 190e anniversaire de notre auteur comme il se doit.

Nous sommes heureux d’avoir pu attacher un nouveau collaborateur à notre rédaction, en la personne de M. Jean-Louis Mongin, que nos lecteurs connaissent pour ses substantielles publications, entre autres sur Michel Verne et le Musée des familles. Il nous présente dans le numéro actuel l’œuvre littéraire de Charles Wallut qui, à son époque, était un banquier influent, mais qui n’a survécu dans la mémoire publique semble-t-il, qu’à cause de sa collaboration avec Jules Verne.

Un dossier amiénois assemblé et commenté par Volker Dehs – qui terminera provisoirement notre récapitulation de la biographie vernienne – est encadré, d’un côté, par l’évocation du Crotoy, due à Bernard Sinoquet dont nous saluons pour la première fois l’apparition dans nos colonnes, et de l’autre, par une présentation de Charles Lemire, le premier biographe de Jules Verne, réalisée par Alexandre Tarrieu. S’ajoutent, comme annoncé, des textes couvrant des thèmes différents et variés : un compte rendu (María Pilar Tresaco), une généalogie (Patrick Brunet-Moret), une bibliographie (V. Dehs) ainsi que la suite des incipit proposés dans le dernier numéro par Patrick Bouyer.

Nous espérons ainsi avoir réuni des sujets qui conviendront à tous les goûts. Que nos lecteurs n’hésitent pas à nous faire part de leurs réflexions, informations, critiques – et contributions futures.

Pour marquer le passage à un autre mode de publication nous changeons de couleur (de couverture), mais non de principes.
La rédaction.

[ Voyage en eaux troubles de l’Orénoque au Danube


Par Jean-Louis Mongin


1 – De l’Orénoque, selon Jules

Lorsque Jules Verne achève avec enthousiasme la lecture des récits d’explorations de Jean Chaffanjon (1854-1913) dans le haut Orénoque1, il sait qu’il tient là une source d’information de premier ordre pour un nouveau Voyage extraordinaire. Il est en effet littéralement emballé par l’exposé rigoureux et très complet de l’explorateur2 qui lui apporte, comme sur un plateau, tous les détails didactiques dont il aura besoin3 pour son futur Superbe Orénoque qui paraîtra en 1898. Il tord ainsi le cou au premier des deux impératifs fixés par son éditeur : éduquer. Reste, néanmoins le second : divertir. Mais ce deuxième versant obligé ne le soucie pas davantage, car il est depuis longtemps passé maître dans l’art de transformer ce genre de récit de voyage académique en odyssée extraordinaire, et il connaît parfai- tement les ingrédients romanesques qui lui seront nécessaires pour mitonner son histoire.

Bien que les thèmes récréatifs soient nombreux chez Jules Verne, ils restent aisément identifiables. Viennent en premier lieu les robinsonnades, que Verne accommode selon des variantes parfois novatrices : des enfants robinsons, des faux robinsons4... Souvent, aussi, il met en scène des jeux, ou des paris extravagants, comme dans le Tour du monde en quatre-vingts jours, Le Testament d’un excentrique, Kéraban-le-têtu, Les Tribulations d’un Chinois en Chine, etc. Parfois, notre écrivain reprend ou prolonge des œuvres d’auteurs qu’il apprécie, comme Les Aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Poe , Le Robinson suisse de Johann David Wyss ou Le Comte de Monte-Cristo d’Alexandre Dumas5. Plus rarement, une simple innovation technique, ou un événement historique réel, poussé à l’extrême, suffit à autoalimenter la trame romanesque, comme De la Terre à la Lune, Autour de la Lune, L’Île à hélice. Signalons enfin, comme source d’inspiration, des faits divers réels, comme les affaires Turpin ou Rorique6.

Mais, pour le Superbe Orénoque, Jules Verne va utiliser une autre de ses vieilles recettes, comme il l’indiquera à son éditeur : « [...] j’en ai absolument fini avec les enfants qui cherchent leur père, les pères qui cherchent leurs enfants, les femmes qui cherchent leur mari, etc. L’Orénoque aura été le dernier de ce genre »7. C’est donc presque à son corps défendant et pour la dernière fois qu’il met en scène une jeune fille partie à la recherche de son père, disparu dans une contrée lointaine, sauvage et dangereuse... Le tout agrémenté de quelques impondérables naturels ou humains. Mais il sent bien qu’il extrait là les dernières pierres d’un filon surexploité. De ce simple point de vue, Le Superbe Orénoque annonce déjà une transition dans l’œuvre de Jules Verne.


Toutefois le thème des « enfants qui cherchent leur père » reste ici encore trop imprécis, et demande à être exploré à son tour. On en trouve finalement la provenance dans des œuvres littéraires externes aux Voyages Extraordinaires écrites entre 1860 et 1870.

Citons d’abord « Le Comte de Chanteleine », une nouvelle parue dans le Musée des Familles en 18648. Comme dans Le Superbe Orénoque, un personnage breton de haut rang, par suite de souffrances morales insoutenables, trouve refuge dans le prosélytisme catholique, s’engage dans la prêtrise, et peut, par là même, célébrer à la fin du récit le mariage de sa propre fille.

Puis, vers 1863-1865, Jules Verne écrit à nouveau pour la même revue « Les Forceurs de blocus »9, une nouvelle qui paraîtra en 1865, en deux épisodes. Ici, les similitudes avec le Superbe Orénoque sont nettes. Une jeune fille part à la recherche de son père, dans une contrée dangereuse et peu recommandable au sexe dit « faible ». Raison pour laquelle la jeune femme se déguise en homme et se fait accompagner par un vieil « oncle », en réalité factotum bienveillant de la famille. En chemin elle rencontre un jeune homme, qui l’aide à parvenir au but, et qui, bien évidemment, finit par l’épouser. Une dernière analogie concerne, à la langue près, les prénoms masculins et féminins du personnage principal : dans le Blocus, John devient Jenny et dans l’Orénoque Jean devient Jeanne.

2 – De l’Amazone, selon Charles

Mais ce ne sont là que des sources internes au corpus vernien, car il en existe d’autres, bien plus intéressantes, que l’on découvre dans des œuvres, non pas signées par Jules Verne, mais par Charles Wallut (1829-1899)10. Ce « grand inconnu parmi les amis et collaborateurs de Jules Verne »11 est en effet le signataire de deux récits, Les Mémoires d’une fourchette (illus. 18) et Marthe Verdier (illus. 19), dans lesquels les intertextualités relatives au Superbe Orénoque sont évidentes, voir même fondamentales pour le second de ces ouvrages.

Les Mémoires d’une fourchette paraissent dans la revue Le Monde des enfants en 186912. Il s’agit d’une délicieuse bouffonnerie « épulatoire » (pour reprendre un terme cher à Jules Verne), dans laquelle le narrateur organise un banquet des plus exotiques dans le but d’édifier Marthe, sa jeune filleule, qui boude lamentablement la cuisine française.

Du point de vue du style et de l’humour, ce petit bijou est incontestablement d’une pointure équivalente à celle d’« Une fantaisie du docteur Ox ». De plus, bien que le thème central de ce conte soit sans rapport avec Jules Verne, on y relève quelques phrases intéressantes :

Je ne prétends pas que mon ami Hans Fridriksson, avec son paletot et ses bottes en peaux de phoques, soit un modèle de propreté ; mais sans lui, peut-être m’embarquerais-je à la suite du capitaine Hatteras à la conquête du pôle nord, et Dieu sait ce que je serai devenu . (p. 8)

Et surtout :

Oo-por-oo, indien Amaypure des bords de l’Orénoque. (p. 10)

Seul, mon ami Oo-por-oo, n’avait encore donné que de rares coups de dents. Évidemment, il se réservait. Mais bientôt, il allait prendre sa revanche.

– Boulette de terre glaise à l’Orénoque dit le maître d’hôtel.

– Eh ! mon Dieu, oui, ma chère Marthe, il est des hommes qui se nourrissent de terre. [...] Mon amitié ou plutôt ma reconnaissance pour Oo-por-oo ne saurait m’aveugler, le grand chef des bords de l’Orénoque a manqué sa vocation, il eut dû naître singe ! Et encore les singes l’eussent-ils reçu avec enthousiasme dans leur honorable famille ? j’en doute. (p. 50)

Lionel Dupuy, en étudiant l’intertextualité dans Le Superbe Orénoque13, rapporte déjà cette curiosité des mangeurs de glaise. Il indique que Verne, pour décrire cette géophagie, s’est appuyé sur les textes de Jean Chaffanjon et d’Élisée Reclus (qui cite lui-même Humboldt). Peut-être faudra-t-il à présent rajouter à cette liste le petit conte de Charles Wallut, publié bien avant les récits d’exploration de Jean Chaffanjon et de la Nouvelle géographie universelle d’Élisée Reclus, dont le premier volume n’a paru qu’en 1875 ?...

Pour poursuivre la lecture, commander

Dessin d’Évremond de bérard (1824-1881)
(Collection Mongin)

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