bulletin de la Société Jules Verne


197 Novembre 2018

[ TABLE DES MATIÈRES

1 LA RÉDACTION :
Éditorial
2 LA RÉDACTION :
Actualités
3 J.-P. Albessard :
In memoriam : Jean-Marie Embs
4 L. Sudret :
L’Assemblée générale de la Société Jules Verne 2018
5 Ph. Valetoux :
Activités des Galopins-2018
6 J.-P. Bouvet :
Verne à Vigo
Dossier Aspects de la réception vernienne
9_12 I. Slivance :
Hommage à Jules Verne
13_17 R. Hélot :
Un prie-Dieu au nom de madame Verne dans l'église de Saint-Valery
18_22 P. Gondolo della Riva :
Du recyclage des illustrations : l'exemple de Parville
23_29 P. Gondolo della Riva :
Une suite des romans lunaires : Quinze mois dans la Lune
30_34 K. Makino :
Jules Verne et Louis Figuier, vulgarisateur scientifique
35_43 L. Dupuy :
De Jules Verne à Marcel Proust : l'influence de Vingt mille lieues sous les mers ?
44_49 J.-C. Bollinger :
Raymond Queneau, lecteur de Jules Verne
Comptes rendus
50_59 J.-L. Mongin:
Jules Verne, sous les feux de L'Herne et de Gallimard
60_63 V. Dehs :
Deux nouvelles biographies de Jules Verne (Rémi Guérin et Ralf Junkerjürgen)
Dossier Michel Verne (suite et fin)
64_88 J. Demerliac :
... Et le cinéma ne voulut pas de Michel Verne (2°Partie)
89_95 Ph. Burgaud :
Quels acteurs pour La destinée de Jean Morénas ?
96_106 C. Jézéquel :
Pour une poétique de la réécriture : En Magellanie ou Les Naufragé du "Jonathan" ?
Humbug et Balivernes
107 H. Levaneur :
Un collier pour Caroline !
108_113 L. Sudret :
Le célèbre fils inconnu (et prix Nobel) de Jules Verne
114
Pour finir
115
Table des illustrations

[ Éditorial

Le deuxième numéro de l’année 2018 est axé sur deux aspects bien différents : il s’interroge sur quelques aspects de la réception de l’œuvre vernienne et clôt (de manière provisoire) le dossier Michel Verne, commencé dans le numéro précédent.

Le premier dossier est consacré à des artistes et écrivains qui se sont inspirés des Voyages extraordinaires. Notre sociétaire Isa Slivance a montré dans diverses expositions comment l’esprit de Jules Verne se transmet dans ses créations originales qui ne se laissent pas réduire à de simples illustrations ou imitations. L’imitation est par contre bien présente au cœur de l’œuvre littéraire d’Alexandre Lamothe (1823- 1897) alors que les vulgarisateurs Henri de Parville (1838-1909) et Louis Figuier (1819-1894) n’ont frôlé que d’une manière passagère le roman scientifique dans l’espoir de pouvoir profiter d’un genre qui ne paraît pas avoir laissé indifférents des écrivains tels que Marcel Proust et Raymond Queneau.

Nous sommes heureux de pouvoir apporter, par les recherches de Jean Demerliac et Philippe Burgaud, du nouveau sur l’histoire du cinéma en général et sur les activités cinématographiques du fils de Jules Verne en particulier. Des documents ignorés jusqu’à présent donnent un aperçu inattendu sur le fonctionnement d’une industrie dont la plupart des productions ont malheureusement sombré dans l’oubli et, suite à l’obsolescence du matériel, sont perdues à jamais. Des adaptations réalisées ou surveillées par Michel Verne ont survécu : Les Enfants du capitaine Grant et La Destinée de Jean Morénas, ainsi que des fragments de L’Étoile du Sud, qui attendent encore une restauration pour retrouver leur public. Jusqu’à ce jour, les adaptations romanesques de Michel Verne n’ont été abordées dans nos colonnes que sous l’aspect de la « trahison » : Céline Jézéquel prouve, en s’appuyant sur les deux romans En Magellanie et Les Naufragés du « Jonathan », qu’une approche moins moralisatrice peut s’avérer bien plus fructueuse.

Nous terminons en lançant une nouvelle rubrique « Humbug et balivernes », bien dans l’esprit de Jules Verne ; nous espérons que vos contributions (qui sont toujours les bienvenues) viendront alimenter cette rubrique et lui permettront de perdurer.
La rédaction.

[ Raymond Queneau, lecteur de Jules Verne


Par Jean-Claude bollinger


Raymond Queneau (1903-1976) est sans doute surtout connu du grand public comme le « père spirituel » (ô combien !) de Zazie1, laquelle ne verra jamais le métro, mais résumera son court séjour parisien (un jour et demi) en constatant : « j’ai vieilli ! ». Mais Queneau a été, durant toute sa vie, un boulimique de la connaissance, aux multiples centres d’intérêt : la littérature, certes, mais également les sciences – les mathématiques2, la chimie des matières plastiques3 – aboutissant à une vraie cosmogonie, même si elle est petite et portative4. Homme « de multiples talents » (c’est le titre d’un chapitre de sa biographie par Michel Lécureur5), il pratique aussi la peinture6, les pictogrammes7 et le cinéma, que ce soit comme auteur ou même... acteur !

Ainsi, c’est lui qui publie (en mars 1951) un des tout premiers articles consacrés en France à Un nouveau genre littéraire : les Science-Fictions8 ; il y compare « les modernes auteurs de Science-Fiction [à] leurs prédécesseurs, de Platon à Jules Verne, et même à Wells », et il souligne aussi que « Verne et même Wells (malgré son éducation scientifique) n’étaient que des amateurs », au contraire de nombreux auteurs américains d’alors, qui avaient une réelle formation scientifique. Quelques mois plus tard, Boris Vian et Stephen Spriel, à leur tour, évoqueront le sujet avec un titre quasiment identique9, mais ils insisteront sur le fait que, pour le lecteur français, il n’y a là «rien de neuf[...]depuis Balzac, Jules Verne et Robida». Puis Queneau, Vian et quelques amis choisis créeront le « Club des Savanturiers » afin de promouvoir la Science-Fiction10, ce qui n’eut en réalité qu’un succès très relatif...

Jules Verne est, donc, souvent considéré comme un précurseur de ce domaine de la littérature populaire, et à ce titre François Raymond lui a consacré un Livre d’or de la Science-Fiction11 – mais personnellement, je considère ce recueil comme peu intéressant car surtout composé d’extraits de romans. Il a également eu sa place dans L’Encyclopédie de poche de la Science-Fiction12, même si Jean-Pierre Andrevon y souligne que Jules Verne reste surtout « un poète de l’aventure cachée dans les franges d’un aujourd’hui de toujours » (c’est moi qui souligne).

Je me suis donc demandé quels ouvrages de Jules Verne avaient été lus par Raymond Queneau.

Or il se trouve que Raymond Queneau a tenu la liste de ses lectures, depuis 1917 jusqu’à 1976, soit depuis l’âge de 14 ans jusqu’à sa mort à 73 ans. Cet inventaire de 9 926 ouvrages en tous genres, et dans des domaines éminemment divers et variés, nous est disponible grâce à Florence Géhéniau qui en a fait le recensement et les a classés alphabétiquement13 ; toutefois, comme le précise André Blavier dans la préface de ce document, sans doute est-on ainsi directement informé que Queneau « a lu tel livre à telle époque ; mais [ces listes] ne permettent jamais d’affirmer qu’il n’a pas lu tel autre, à quelque moment ». En particulier, on peut raisonnablement penser que Queneau, lecteur boulimique dès son jeune âge, avait lu avant 1917 quantité de livres « pour la jeunesse » (voir ci-dessous).

On apprend ainsi que Queneau a bien lu Jules Verne, comme on pouvait l’imaginer au vu de ses centres d’intérêt, mais les informations disponibles indiquent l’année 1969, ce qui peut sembler tardif (s’il ne l’a pas lu lorsqu’il était enfant ?) : Voyage au centre de la Terre et Vingt mille lieues sous les mers en janvier (mais il avait lu le Voyage – en anglais ! – dès septembre 1920), puis L’Île mystérieuse et Le Volcan d’or en mars. On ignore dans quelle édition il a alors lu ces 4 romans, peut-être a-t-il profité de leur réédition partielle [car Le Volcan d’or n’y a jamais paru] en Livre de Poche (à partir de 1966), suite au passage de l’œuvre de Verne dans le domaine public ? On ignore également pourquoi il a choisi particulièrement ces 4 titres... et notamment Le Volcan d’or, roman profondément remanié par son fils Michel, publié de façon posthume et qui, au contraire des 3 autres, n’est pas l’un des plus connus14. Queneau aurait-il eu un projet éditorial particulier, qu’il n’aurait jamais réalisé ? Et cela ne servirait à rien de consulter ses Journaux puisque le recueil publié15 s’arrête en 1965...

On peut cependant remarquer que parmi ces romans verniens effectivement signalés comme lus par R. Queneau lui-même, Vingt mille lieues sous les mers, L’Île mystérieuse et Voyage au centre de la Terre ont été publiés récemment (en 2012 pour les 2 premiers, en 2016 pour le 3e) dans La Bibliothèque de la Pléiade, ce qui est une marque de consécration, que méritait bien le romancier ! Cette collection fut créée en 1931, puis intégrée aux Éditions Gallimard en 1933 ; or, Raymond Queneau s’était vu confier au début des années 1950 l’établissement pour Gallimard d’une « Encyclopédie de la Pléiade » qui, suivant un plan méthodique, se compose de quarante-neuf volumes (parus entre 1956 et 1991).

Par ailleurs, Queneau s’était également intéressé aux ouvrages de Marcel Moré (1887-1969) consacrés au romancier : il a lu Le Secret du capitaine Nemo (en avril 1956) [serait-ce Les Noces chymiques du capitaine Nemo et de Salomé, roman de Moré rédigé vers 1930, mais publié seulement en 1967 chez Gallimard ? – Note de la Rédaction], Nouvelles explorations de Jules Verne (avril 1962) et Le Très Curieux Jules Verne (avril 1969 – donc en même temps que les 4 romans cités) ; il lira plus tard (novembre 1973) la biographie rédigée par Charles-Noël Martin (1923-2005), La Vie et l’œuvre de Jules Verne. Il faut à ce propos noter que ces 4 ouvrages ont été lus sous la forme des manuscrits correspondants – ce qui peut se justifier pour les premiers, parus chez Gallimard où Queneau avait été « lecteur », avant d’y devenir membre du Comité de lecture...

Pour poursuivre la lecture, commander

Raymond Queneau Photo de presse non signée. Coll. Dehs 


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